Mon accouchement

Il y a un an, jour pour jour, à 15h précise, je me réveillais d’une petite sieste dans une immense flaque gluante. Si il y a une chose qu’on ne dit aux nullipares c’est bien ça. Perdre les eaux c’est pas plouf et voilà. Non non non, tu baignes dans des litres de liquide et à chaque mouvement que tu fais, “floutch floutch” tu en reperds encore un peu. Et là, amie nullipare, tu te dis “il y a bien un moment ou ça va être vide ?” Raté! La nature est bien faite, on en refabrique en continu. Voilà donc le point de départ de ce long, très long, trop long épisode de ma vie de maman.

Toute heureuse (quand tu as passé 3 mois en alitement strict t’as VRAIMENT envie que le bébé arrive), je prépare mes affaires. Floutch floutch. J’appelle le papa qui a 2 grosses heures de trajet. Floutch floutch. Je rassure ma mère qui panique complet (qui était là pour me soutenir mais qui flippe bien plus que moi). Floutch floutch. Je glisse une serviette de toilette entre mes jambes et hop, en voiture vers la maternité.

Arrivé là bas, aucun doute, j’inonde copieusement le couloir, la sage femme me dit “bon, bah je vais pas faire le test hein, la poche des eaux est rompue”. Sans blague ? Première auscultation (d’une très longue série… quand t’es enceinte ton entrejambe est plus fréquenté qu’une autoroute un jour de départ en vacances). Le col a bougé, il est à 1. Vous avez mal ? “Boarf non, pas vraiment… ça contracte toutes les 5 min en gros”. Je reste là à attendre que le temps passe et à rassurer ma mère. Puis le papa débarque et repart aussitôt avec une liste de trucs à rapporter : forcément dans mes floutch floutch j’ai oublié la moitié des affaires : j’ai pris que la valise du bébé et rien pour moi.

Le temps passe et ça contracte toujours mollement. Je mange un peu, j’essaye de dormir. Sans succès : ça fait juste assez mal pour m’empêcher de dormir et en plus je suis vraiment pas dans l’état d’esprit. Je vais avoir mon bébé bon sang ! En court de nuit j’ai régulièrement droit à une petite visite amicale de mon entrejambe. Rien ne bouge. On me dit “ok, si demain à 8h c’est toujours comme ça on mettra un produit pour aider”.

8h, une sage femme revêche a remplacée la sympa de la nuit. Elle constate que ça n’a pas bougé et me dit qu’elle va mettre de l’Ocytocine. Elle dépose un espèce de gel sur le col et se barre. Il a fallu à peu près 2 minutes pour que je soit terrassée de douleur. D’une contraction molle toutes les 3 ou 4 minutes je suis passée direct à des contractions d’une force incroyable qui s’enchaînait : l’une terminait à peine que la suivante démarrait. J’ai pleuré, j’ai hurlé, j’ai paniqué total. J’ai arraché les monitos, j’ai vomi de douleur plusieurs fois, j’ai fait tellement de barouf que tout l’étage a du venir jeter un oeil pour voir quelle était la bête sauvage qui hurlait. J’ai demandé à ce qu’on m’achève, j’ai eu envie de mourir tellement j’avais mal…

Mais PUTAIN elle aurait pu me prévenir AVANT que son truc allait me faire crever de douleur, que je m’y attende, que je me prépare psychologiquement au truc, au lieu de me balancer ça et de ne même pas rester 2 minutes ! Rappelons aussi que j’avais été hospitalisée la semaine où j’aurais du avoir mes cours de préparation à l’accouchement et que je n’avais donc pas la moindre foutue idée de comment je pouvais faire pour déguster un peu moins.

Finalement entre deux gémissements j’ai réussi à mendier un ballon à une sage femme qui passait par là et je me suis inventée moi même une posture, assise dessus et penchée en avant, les yeux rivés sur le tracé hypnotique des contractions. Je suis restée comme ça environ 7h grosses heures. Avec deux trois tentatives de mouvement pour dégourdir mes jambes pleines de fourmis ou pour aller aux toilettes. Mais je revenais aussitôt sur mon ballon, c’était l’unique position qui me permettait de survivre à la douleur.

26h après ma perte des eaux, enfin, on a commencé à s’occuper de moi. Le col était bien ouvert (je ne suis plus très sûre… à 7 je crois) et j’ai enfin eu droit de passer aux choses sérieuses. Et puis à un verre d’eau sucrée aussi, parce que bon quand t’as rien mangé depuis 24h et que t’étais déjà en hypoglycémie depuis 3 jours (merci le diabète gestationnel) c’est un peu la guerre des étoiles quand tu te lèves.

Alors la péridurale, on en fait tout un foin, mais au final c’est de la rigolade. Une mini piqûre anesthésiante locale et tu ne sens même pas l’aiguille de la péri. Par contre l’anesthésiste te poses une question vraiment compliqué surtout quand tu planes d’épuisement : “vous sentez que c’est bien au milieu, ou c’est plus à droite, ou plus à gauche ?”. Effectivement tu sens un truc qui chatouille dedans mais c’est vraiment pas bien précis. Du coup j’ai du dire “à droite” un peu au pif. Il a tripoté le truc et hop m’a mis un sparadrap de 50 cm carrés dans le dos pour pas que ça bouge. Par contre honnêtement, avec ou sans, j’ai pas vu trop la différence, j’avais toujours hyper mal. Je n’avais plus mon ballon adoré, j’étais allongée à plat dans une pièce avec la clim à fond, j’ai passé l’heure et demi suivante à comater en respirant le plus profondément possible. Quand les contractions mollissaient on me recollait un petit coup de dopant via ma perf et c’était reparti pour la douleur intense. Le papa gisait sur une chaise, complètement épuisé aussi (et probablement affamé puisque je l’ai supplié de ne pas me laisser seule une seule minute…)

Pis là d’un coup, la sage femme se souvient que j’existe, repasse m’examiner et “oh, bah la tête est quasi là, ça a été vite, vous allez pouvoir pousser”. 27h30 que j’attends ce moment !

L’interne arrive, on me colle dans une position vraiment mais vraiment pas confortable et je pousse au rythme de mon armée de pompoms girls. Tout ce passe bien pour moi, mais visiblement pour le bébé c’est pas si évidant. On m’informe qu’on va utiliser la ventouse pour accélérer les choses (sans plus de détails). La sage femme qui était sortie revient moins d’une minute après avec la gynéco qui me suivait pendant la grossesse. On me dit “pousser” puis “ne pousser plus” et là… c’est la sensation la plus étrange possible que j’ai ressenti. Vous savez, quand on débloque un truc en tirant dessus un peu à droite, un peu à gauche, comme un bouchon de bouteille ? Bah un bébé sorti par ventouse c’est exactement ça ! Au moment où la tête passe je sens un éclair de douleur: zut, je vais avoir droit à des points…

Petit moment de silence. Je commence avec ma première réflexion de maman flippée “mais il pleure pas ?”. On me réponds “Mais si” et là j’entends un petit “ouain” tout timide (quand on sait que 3 jours après tout le monde s’étonnait du volume sonore particulièrement intense qu’il était capable de produire…). On me pose ma petite crevette (toute bleutée des mains) sur le ventre et à cet instant, j’ai eu droit à la chose la plus magique du monde : il a levé ses yeux immenses et a plongé sont regard dans le mien. Il ne pleurait plus : il m’observait. A cet instant, j’ai su qu’il était unique et que je l’aimais plus fort que tout au monde <3

C’est fou mon bébé, demain, tu fêtes ton premier anniversaire ! Et à chaque seconde de ma vie je t’aime toujours aussi fort et plus encore <3