Je ne comprends pas.

Le titre de cet article résume tout : je me pose énormément de questions qui ne trouvent pas de réponse.  La plus importante du moment étant : pourquoi l’adhésion à une  pédagogie alternative entraîne-t-elle quasi systématiquement une démarche sectaire ?

Le pédagogue, véritable guru, ne verra jamais ses propos remis en doutes. Aucune variante ne sera tolérée, le moindre détail sera pris comme une vérité absolue immuable.

Parfois il s’agit réellement d’une secte (je pense à Waldorf Steiner, qui en plus de principe pédagogique, enseigne des principes religieux).

Parfois il s’agit uniquement de ce que je considère comme une dérive. Montessori en fait souvent les frais. Lorsque j’ose me poser des questions sur la nécessité de procéder à un rituel exactement tel qu’il est décrit (car il s’agit véritablement de rituels), je m’attire les foudres des personnes ayant été formées (cette véhémence n’apparaît pas chez les autodidactes).

Prenons quelques exemples

  • La couleur du matériel. Personnellement je n’adhère pas avec les couleurs choisies pour le matériel. Il y a énormément de rose et c’est une couleur que je trouve assez… moche. En plus d’être assez peu parlante à mon goût, car trop proche d’un rouge dilué. Mais quelle importance cela peut-il avoir, la couleur ? Une tour de cube rose verte ou bleu reste une tour de cube, l’importance de ces fameux cubes réside non pas dans leur couleur mais dans leurs dimensions.
  • La normalisation excessive. Tout est formaté au millimètre près. Lorsque le matériel est destiné à être utilisé avec un autre et ensuite avec des liens entre le sensoriel et le mathématique, l’argument est complètement recevable. La tour rose varie de cm en cm, l’escalier marron se doit d’être cohérent, les barres rouges également. Il y aune logique forte que je comprends et que j’approuve. Par contre pour les “outsiders” destinés à être manipulé seuls, j’avoue que je sèche un peu sur la vérité absolue des mesures ? Prenons les cylindres, cas d’une récente discussion houleuse avec une copinaute. Il est vrai que les véritables cylindres, du fait de leur grande taille et du fait du nombre important de cylindres (10 par blocs) sont très bien pensés. Mais la variation de taille se fait de 0.5cm en 0.5cm, c’est à dire sans cohérence avec le reste du matériel (qui est basé sur le cm). Je suppose que cela tient au fait que respecter la taille aurait créer un objet non manipulable par un enfant ? Elle même a du faire un choix, un concession ? Dans un budget familial l’investissement est lourd (pour un truc qui servira en tout et pour tout une poignée d’heures en cumulé). Donc je lui disais que les minis étaient des versions un peu moins bonnes, mais qu’à budget égal je préférais opter pour 4 petits plutôt que pour un seul des grands, car ça me permettrait quand même de faire la progression qui isole les difficultés. Elle m’a rétorqué le la version miniature ne permettait pas cette progression…

Moi : “Bah si ? On présente un type de cylindre, puis un second etc… c’est moins sensoriel en petit et 5 éléments sont moins parlant que 10, mais c’est quand même les mêmes notions et le même vocabulaire que l’on travaille (épais, mince, haut, bas…)”
Elle : “On peut voir ça ainsi, mais ce n’est pas le cas. La progression se fait avec les 10, sinon Maria en aurait mis 5″

Honnêtement j’aurais besoin d’arguments supplémentaires. C’était une femme brillante et une mère, je pense qu’elle fait énormément progresser la pédagogie, mais qu’elle ne détient pas la vérité absolue. Le fait de retrouver beaucoup d’élites ayant eu accès à cette pédagogie enfant ne met absolument pas en lumière un en quelconque ascension sociale liée au mérite : c’est simplement que ces écoles sont terriblement onéreuses et que seuls les plus riches y ont accès.

L’absence d’explications verbales aussi est un point qui me heurte en tant que mère. Le silence formel, très adapté à une structure de type classe avec beaucoup d’enfants me semble peu naturel entre une mère et son enfant. Ce qui fonctionne dans un contexte scolaire ne fonctionne pas forcément à la maison, avec sa maman, avec de l’affect dans l’équation. Je romps souvent ce silence pour ajouter à mes gestes l’explication du pourquoi de ces gestes. Et lorsque je le fais je constate des progrès bien plus rapides. Prenons l’exemple de puzzles. J’avais présenté les puzzles en silence, en positionnant les pièces où il faut. Mon fils m’imitait mais en commettant des erreurs, il prenait les pièces un peu au hasard et ne se fiait qu’à la forme. Puis un jour, j’ai parlé. Je lui ai dit “Tu vois, ici je vois un morceau de lion. Il lui manque un morceau de crinière. Je vais chercher dans les pièces si je vois un bout de orange. Là, c’est orange, on dirait un bout de crinière. Oh regarde c’est la bonne pièce et en plus ça rentre !” Depuis sa progression en puzzles est vertigineuse, de 4 pièces il est passé à 5, 6, 9 et 12 en quelques jours. Pas plus tard qu’aujourd’hui il a terminé seul son 15 pièces acheté samedi dernier. Et il aime aussi résoudre (avec notre aide cette fois) un gros puzzle de 24 pièces représentant un zoo. Je n’ai pas l’impression d’avoir entravé sa progression en lui expliquant le pourquoi de mes gestes, au contraire !

Je m’éloigne donc de plus en plus de la méthode Montessori… et je me rends compte qu’au final je n’ai pas envie de lui apprendre à tout découvrir seul (c’est utopique en plus, qui s’amuserait à redécouvrir médecine où la physique quantique par lui même ?). J’ai envie de l’aider à comprendre le monde qui l’entoure. Ce qui me motive ? La petite phrase qu’il me répète souvent ces jours-ci “Comment faut faire ?” Par contre je trouve toujours le matériel aussi bien conçu et l’approche multi-sensoriel excellente. Mais je m’oriente vers une variante bavarde et sans tapis (emboîter un puzzle sur un tapis qui gondole un peu est imprécis, nous avons donc commencé à travailler sur l’immense table basse du salon et ça nous convient très bien, il n’est pas entravé par une position statique et étonnamment ça améliore sa concentration).

Mais je ne suis pas bornée ! Si quelqu’un a des arguments pour m’expliquer pourquoi je suis dans l’erreur en m’écartant ainsi de la méthode, je suis tout à fait prête à revoir mon jugement.

J’avance lentement dans les lectures des livres de Maria, mais je dirais que ces écrits ont tendance à accroître mes questionnements… la suite des mes réflexions au prochain numéro. Et bravo d’avoir lu mon gros pavé ;)

6 commentaires

  1. j’ai lu ton “gros pavé” et je comprend ton questionnement (même si il y a certains passages où j’ai cru entendre une langue étrangère) je ne pense pas t’apporter de réponses car je ne m’intéresse pas autant que toi sur le sujet.
    Pour l’éducation de mes filles j’y vais surtout au feeling et à mes propres valeurs auxquelles je tiens plus que tout. Si un jour je fais du Montessori c’est chouette, si le lendemain non, ça me va, le plus important c’est de suivre mon chemin et celui de mes enfants.
    En tout cas bon courage pour tes recherches !

  2. Je me suis souvent posé un peu les mêmes questions concernant l’éducation alternative et je me suis dit que, peut-être que si Maria Montessori avait évolué un siècle plus tard, avec tous les nouveaux matériaux, comme le plastique et la fibre de verre ou autres alliages et la banalisation des autres matériaux, elle aurait peut-être pensé différemment sa pédagogie. Je trouve sa pédagogie géniale mais un peu restrictive parfois.

  3. Je suis bien d’accord avec toi sur cet épineux sujet et tu as parfaitement résumé mes questionnements sur les pédagogies alternatives. Me concernant, j’y vais au feeling, je prends ce qui m’inspire et laisse le reste aux adeptes puristes.

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